Conception et rénovation de 30 maisons pour la population algonquine du village de Kitcisakik.
La crise du logement des Premières Nations du Canada
Communauté Ashninabe hors-réserve de Kitcisakik évolue dans un parc d’habitations vétuste qui impacte le bien-être de ses 500 membres. Au manque d’espace, à l’absence d’eau courante et d’électricité, ainsi qu’à la dépendance aux coûteuses énergies fossiles, s’ajoutent des déficiences dans l’isolation et l’étanchéité des habitations. Cette situation inacceptable se rencontre dans d’autres communautés. Lors de sa visite de 2013 au Canada, le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones, James Anaya, a documenté le cercle vicieux dû à la pénurie de logements, à la surpopulation et au manque de salubrité qui s’ensuivent et leurs conséquences sur l’éducation, la santé, la sécurité et l’emploi des jeunes¹.
¹ UN, Report of the Special Rapporteur on the rights of Indigenous Peoples, James Anaya – “The situation of indigenous peoples in Canada“, 2014.
Le Peuple invisible
En janvier 2008,Guillaume Lévesque assiste à la projection du film Le peuple Invisible de Richard Desjardin. Ce film est un événement déclencheur. Touché par les piètres conditions de vie de la population algonquine de Kitcisakik et des autres communautés hors réserve, l’architecte décide d’agir, et trouve un point d’appui en la personne de Bernard McNamara, fondateur de l’Architectes de l’urgence Canada (AUC) dont le nom a été changé en 2017 pour ASFQ. L’organisation juge indispensable, pour le développement durable et équitable du pays, que soient résolus les problèmes liés au mal-logement des Premières Nations.Une mission est alors imaginée, impliquant à la fois la communauté locale, ainsi que des bénévoles et des professionnels québecois.
Rencontre avec la communauté
À la fin de la projection du documentaire, Guillaume rencontre Steve Papatie. Un premier contact avec un membre de la communauté mènera à des rencontres avec le Conseil de bande de Kitcisakik. En mai de la même année, un séjour sur place de 7 bénévoles, permet d’effectuer des relevés sur la centaine de maisons. Les objectifs de la mission prennent forme. Leur rénovation permettra d’éviter les problèmes respiratoires dus à la qualité de l’air, de diminuer la consommation de bois et de gaz en améliorant l’isolation et l’étanchéité. Des maisons seront bâties pour accueillir de grandes familles. Le tout renforcera des capacités locale, créera des emplois, favorisera l’autonomie et la résilience et encouragera le partage et le transfert de connaissances.
Une conception inclusive
Le rapport d’étude initial souligne la nécessité d’améliorer la durabilité des maisons et d’établir un meilleur environnement de vie au bénéfice notamment de la santé des enfants. Dès le départ, Guillaume suggère l’installation d’un moulin à scie, garantissant aux futurs ouvriers autochtones, formés sur place, leur autonomie en production de bois de construction. En septembre 2009, les travaux commencent, appuyé par la Fondation Frontières et plusieurs donateurs manufacturiers. En décembre le gouvernement fédéral annonce un appui substantiel par l’entremise de la SHQ, afin d’encourager les rénovations et rémunérer les 20 ouvriers autochtones sur une période de 3 ans. Entre 2008 et 2015, des maisons sont sélectionnées par priorité de besoin. En cours de réalisation, le projet inclura la rénovation d’habitations d’une communauté voisine, ainsi que les esquisses pour une école primaire, dont le Gouvernement fédéral financera la construction en 2010.
Une grande réussite
Ce processus d’architecture participative, a su conjuguer la formation au renforcement des capacités locales, la prise en compte des traditions, ainsi que l’utilisation de matériaux propres à l’identité Anishnabe. En 2011, ce travail est salué par le Prix Action de l’Ordre des Architectes du Québec, en 2012, le projet se voit décerner la Médaille du Gouverneur Général en architecture du Canada.En septembre 2015, les 14 ouvriers formés reçoivent leurs cartes de compétences CCQ leur permettant d’exercer officiellement comme charpentiers-menuisiers.
Ce projet a rallié de nombreux partenaires privés et publics, ainsi qu’une centaine de bénévoles et a permis l’enrichissement des relations entre Autochtones et non-autochtones. Le réseau ainsi généré a contribué à briser l’isolement, valoriser les compétences traditionnelles, insérer professionnellement plusieurs membres de la communauté, et surtout, accroître la fierté des familles de Kitcisakik.
Avancement du projet
Chargé de projet bénévole
Guillaume Lévesque
architecte, administrateur d’ASFQ
«La valeur ajoutée du travail de l’architecte, réside en sa capacité à transformer une problématique spatiale en une solution créative, élégante, et durable répondant parfaitement aux besoins des humains, peu importe l’origine ou le pays de résidence. Si l’on souhaite voir l’architecture occuper une place prépondérante, nous devons nous impliquer afin de contribuer au bien-être des populations dans le besoin.»
Témoignages
« C’est la première fois que les Allochtones ont pris le temps de venir nous aider. À travers ça, on a développé des amitiés. Avant, j’étais craintif; la construction, je ne savais pas comment ça fonctionnait. Maintenant, je me sens plus confiant, je n’ai pas peur de prendre les devants. J’ai senti une grande fierté d’avoir terminé la formation. Maintenant, ce qui me reste à faire, c’est voler de mes propres ailes. »